Abbaye de Fontevraud, Anjou, France

L’abbaye royale de Notre-Dame de Fontevraud ou Fontevrault était un monastère dans le village de Fontevraud-l’Abbaye, près de Chinon, en Anjou, en France. Il a été fondé en 1101 par le prédicateur itinérant Robert d’Arbrissel. La fondation a prospéré et est devenue le centre d’un nouvel ordre monastique, l’Ordre de Fontevrault. L’abbaye de Fontevraud elle-même se composait de quatre communautés distinctes, toutes complètement gérées par la même abbesse.

L’abbaye royale de Fontevraud, située à la jonction des trois régions du Poitou, de l’Anjou et de la Touraine, est l’une des plus grandes cités monastiques du Moyen Age. L’abbaye a été classée Monument Historique en 1840 et, dans le cadre de la Vallée de la Loire, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2000. Dans une vallée verdoyante à quelques kilomètres de la Loire, près de Saumur, Fontevraud est l’un des arrêts incontournables lors d’une visite dans la vallée de la Loire. Un arrêt, mais aussi une destination.

L’abbaye royale de Notre-Dame de Fontevraud ou Fontevrault où se trouve l’abbaye faisait alors partie de ce que l’on appelle parfois l’empire angevin. Le roi d’Angleterre, Henri II, sa femme, Aliénor d’Aquitaine, et son fils, le roi Richard Cœur de Lion, y furent enterrés à la fin du XIIe siècle. Il a été dissous comme un monastère pendant la Révolution française.

Initialement monastère mixte, accueillant femmes et hommes dans les mêmes bâtiments, puis agrandi en un double monastère dans l’esprit de la réforme grégorienne, l’abbaye de Fontevraud attirera la protection des comtes d’Anjou et de la dynastie des Plantagenets qui en feront leur nécropole . Après un déclin du XIIIe siècle, l’abbaye est dirigée depuis près de deux siècles par des abbesses de la famille royale des Bourbons. La Révolution française arrêta définitivement l’établissement religieux qui fut transformé en établissement pénitentiaire jusqu’en 1963. Les différentes rénovations de bâtiments commencèrent au XIXe siècle après la classification de l’abbaye en monument historique en 1840 et se poursuivent jusqu’à nos jours. En 2000, l’abbaye de Fontevraud est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO avec l’ensemble du site culturel de la Vallée de la Loire.

Le complexe monastique se compose aujourd’hui de deux monastères restants sur les quatre originaux. Le plus important est le monastère du Grand-Moûtier, ouvert au public, qui abrite l’église abbatiale, la cuisine romane et la chapelle Saint-Benoît du XIIe siècle, ainsi que le cloître, les bâtiments conventuels, dont la salle capitulaire, et infirmeries du seizième siècle. Certains des bâtiments abritent maintenant des salles de séminaire. Le Prieuré Saint-Lazare, dont l’église date du XIIe siècle, a été transformé en résidence hôtelière.

Dès le début, l’art et la culture ont constitué une composante essentielle de la vie à Fontevraud. Même l’effigie allongée d’Aliénor d’Aquitaine la montre avec un livre ouvert à la main. L’abbaye royale, classée monument historique, est un site culturel unique. Architecture monastique, vie des religieuses puis des prisonniers, histoire de la France et de l’Europe, ce site aux neuf siècles d’histoire est une mine d’informations culturelles.

L’abbaye royale est également un centre d’art et de culture contemporains. L’art contemporain occupe une place importante, visible dans notre collection permanente d’œuvres d’art. Les arts visuels sont également représentés dans l’espace d’exposition temporaire. L’art n’est pas seulement exposé à Fontevraud, mais aussi créé. Les résidences d’artistes sont nombreuses, notamment dans le domaine du film d’animation, devenu une spécialité de la maison.

À l’abbaye royale de Fontevraud, nous avons un programme culturel audacieux et dynamique, avec quelque chose pour tout le monde. La musique religieuse et classique côtoie le jazz, la chanson, le folk, le slam … Des projections de films, des débats et des conférences sont également organisés. Bref, cette abbaye n’est pas comme les autres, la culture n’est pas confinée à la chapelle.

Histoire
La Fondation
L’abbaye de Fontevraud a été fondée en 1101 par le moine et l’ermite Robert d’Arbrissel. En 1096, celui-ci reçoit du pape Urbain II en visite à Angers, une mission de prédication apostolique. Devenu prédicateur itinérant, Robert d’Arbrissel est bientôt suivi d’une grande foule d’hommes et de femmes de différentes classes sociales. Il s’installa entre 1099 et 1101 dans une vallée nommée Fons Ebraldi et y fonda avec ses disciples une maison mixte, rompant avec les règles du monachisme ordinaire. Au temps de la réforme grégorienne, l’attitude de Robert attire la colère de la hiérarchie religieuse: la cohabitation des hommes et des femmes au même endroit se passe mal, et Robert se scandalise en dormant au milieu des femmes. La proximité de Robert avec les sexes s’explique par la pratique de l’ermite du syneisaktisme, une pratique ascétique qui consiste en la cohabitation chastes de personnes de sexe différent afin de surmonter les tentations charnelles.

En 1101, la maison est transformée en double commande. Il sépare ainsi les hommes (le monastère Saint-Jean-de-l’Habit) des femmes (le monastère du Grand-Moûtier). Deux autres structures sont également créées: le monastère de la Madeleine pour les pécheurs repentis et le couvent Saint-Lazare pour les lépreux. L’ordre de Fontevraud est reconnu depuis 1106 par l’évêque de Poitiers et par le pape Pascal II. Les premiers bâtiments sont construits dans le premier quart du douzième siècle, peu après la fondation. Les grandes familles de l’aristocratie locale, en particulier les comtes d’Anjou, sont prompts à soutenir la fondation. Ermengarde d’Anjou est l’un des premiers membres de la famille angevine à prendre en compte l’abbaye. Fille de Foulque le Réchin, elle fait ratifier par son frère, Foulque V, ses dons à l’abbaye de Fontevraud. Elle y prend sa retraite en 1112 et quitte l’abbaye en 1118. L’année suivante, nous dédions le chœur et le transept de l’église abbatiale, bientôt suivis de la nef à coupoles.

Robert d’Arbrissel a ensuite fixé les premiers statuts de l’abbaye pour les religieuses. Lors de l’installation de la communauté de fonte en 1101, l’abbaye de Fontevraud dépendait de Gautier de Montsoreau, vassal direct du comte d’Anjou. La belle-mère de Gautier, Hersende de Champagne, devient la première grande-prieure de l’abbaye lorsque Robert d’Arbrissel décide de reprendre son itinérance.

Une première abbesse, Petronille de Chemille, est alors élue en octobre 1115, avant la mort de Robert, le 25 février de l’année suivante13,14. Son corps est enterré dans le choeur de l’église abbatiale de Fontevraud, alors en construction15. Beaucoup de religieux, cependant, refusent de se soumettre à l’administration d’une femme, et certains décident de déserter le monastère. Petronille Chemillé et Mathilde d’Anjou, qui lui succède en 1149, décident d’impliquer le pape pour arrêter les départs. Le problème disparaît après l’intervention du pape Anastase IV en 1154. Cependant, il réapparaît plus tard au XVIIe siècle.

Tout au long du XIIe siècle, l’ordre de Fontevraud ne cesse de s’étendre: à la mort de Robert d’Arbrissel, il compte déjà trente-cinq prieurés, réunissant deux mille religieux et religieuses. Suger, abbé de Saint-Denis, compte entre quatre et cinq mille religieuses vers 1150. A la fin du siècle, il y a cent prieurés dans toute la France, puis en Espagne et en Angleterre.

La nécropole des Plantagenets
La transformation de l’abbaye en une nécropole dynastique Plantagenets contribue grandement à son développement. Henri II, marié à Aliénor en 1152, y fait sa première visite le 21 mai 1154. Le couple confie à l’abbaye ses deux plus jeunes enfants: Jeanne, née en 1165, et Jean, futur roi d’Angleterre. Il quitte l’abbaye après cinq ans, tandis que Jeanne ne part pas avant 1176 pour son mariage. En 1180, Henri II finança la construction de l’église paroissiale de Fontevraud, l’église Saint-Michel, construite près de l’abbaye. En 1189, moralement et physiquement épuisé par la guerre menée par ses fils et le roi de France, Henri II meurt à Chinon. Aucune disposition n’avait été prise pour préparer les funérailles. Bien que l’ancien roi ait pu parler d’être enterré à Grandmont, dans le Limousin, il est difficile de transporter le corps en plein été et personne ne veut prendre le temps du voyage. Fontevraud est alors choisi par commodité, afin de repousser les plus pressés.

Richard Cœur de Lion est décédé le 6 avril 1199 à Chalus-Chabrol. Sur le choix de sa mère Aliénor, les restes sont emmenés à Fontevraud et enterrés le 11 avril aux côtés de son père. Jean Favier exprime l’idée qu’avec ce choix, Aliénor souhaite créer une nécropole dynastique, sur les terres ancestrales de la famille Plantagenet, mais aussi à la frontière avec le Poitou et l’Aquitaine, sa terre natale. Jeanne, affectée par la mort de son frère, se rendit à Rouen avec son frère cadet, Jean. Enceinte et affaibli, elle se retira finalement à Fontevraud et mourut le 11 juillet 1199 en donnant naissance à un enfant, Richard, qui vivra juste assez pour être baptisé.

En 1200, de retour de Castille, Eleanor décida, à plus de 80 ans, de se retirer de manière quasi définitive à Fontevraud. Elle mourut quatre ans plus tard, le 1er avril 1204 à Poitiers, et est enterrée aux côtés de son mari, de son fils Richard et de sa fille Jeanne. Après la mort d’Aliénor, ses fils et petit-fils continuent de considérer l’abbaye comme une nécropole familiale. En 1250, Raymond, Comte de Toulouse et fils de Jeanne, est enterré à sa demande auprès de sa mère. En 1254, Henri III, fils de Jean, organise le transfert des restes de sa mère Isabelle d’Angoulême, alors enterrée en Angoumois à l’abbaye Notre-Dame de la Couronne, jusqu’à Fontevraud. Son coeur est déposé là à sa mort.

Le déclin:
La fin de l’empire Plantagenet place l’abbaye dans une situation délicate. Ses possessions s’étendent sur toute la zone de l’ancien territoire plantagenet, y compris l’Angleterre. Les possessions angevines et tourangelles sont passées du côté du roi de France, mais celles du Poitou et de la Guyenne sont encore sous influence anglaise plus ou moins forte qui participe à une sorte d’anarchie féodale en Aquitaine. Cette situation s’ajoute à la pauvreté croissante de l’ordre de Fontevraud. A la fin du 12ème siècle, l’abbesse Mathilde de Flandre mentionne « la pauvreté excessive dont nous souffrons ». Pour surmonter ces difficultés financières, en 1247, les religieuses sont autorisées à bénéficier successivement des biens de leurs parents. La création du nouveau prieuré en fonte est arrêtée. En 1248, le pape Innocent IV a imposé l’abbaye de dix livres tournois pour l’entretien de l’évêque de Tibériade, une contribution refusée par l’abbesse qui prétend le coût représenté par 700 religieux et membres du personnel de l’abbaye à nourrir. A la fin du 13ème siècle, l’abbesse fut obligée d’échanger le domaine de Ponts-de-Cé près d’Angers au comte d’Anjou contre une rente de 300 bâches de blé et 70 livres d’argent. En 1297, l’évêque fixa le nombre maximum de nonnes du Grand Mouûtier à 300, contre 360 ​​auparavant.

Aux difficultés financières s’ajoute le début de la guerre de Cent Ans. En 1369, l’abbaye perd environ 60% de ses loyers fonciers, ce qui aggrave une situation financière déjà difficile. L’abbaye n’a pas été pillée pendant la guerre, mais les environs ont été ravagés plusieurs fois en 1357, 1369 et 1380. En 1460, Guillaume de Bailleul, prieur de Saint-Jean de l’Habit, rapporte l’affaiblissement de l’ordre de fusion. Il visite cinquante prieurés, dont trois sont abandonnés par les châteaux. La plupart comptent seulement quelques religieux.

Renouvellement
Dès son arrivée à la tête de l’abbaye en 1457, l’abbesse Marie de Bretagne, fille de Richard d’Etampes, se hâta de réformer l’ordre: elle supprime le prieuré trop pauvre et rédige une nouvelle règle. Aussitôt sacré, le roi Louis XI n’hésite pas à soutenir l’abbaye. Il confirme encore les privilèges le 15 octobre 1479. Malgré le soutien du pape, le successeur de Marie de Bretagne, Anne d’Orléans, lutte pour imposer la réforme aux religieuses. En 1491, seuls six prieurés de l’ordre sont réformés.

Renée de Bourbon fut élue abbesse en 1491, à la mort d’Anne d’Orléans. Elle est la première des cinq abbesses de la famille royale Bourbon à être élue à Fontevraud. Dès son élection, elle applique la réforme et entreprend une rénovation architecturale. Sous son abbaye, se construisent la clôture de l’abbaye longue d’un kilomètre trois cent et d’une galerie contiguë au transept nord de l’abbaye. Il réaménage la partie sud du cloître en construisant au premier étage quarante-sept cellules pour les religieuses et reconstruit le réfectoire. Louise de Bourbon lui succède et poursuit la rénovation du Grand Mouûtier en reconstruisant les trois autres galeries du cloître et en développant l’aile est. Dans ce dernier, elle reconstruit la salle communautaire et la salle capitulaire où le peintre angevin Thomas Pot peint les peintures de la Passion du Christ. En 1558, une inondation détruisit la plupart des bâtiments de l’infirmerie Saint-Benoît, tout en épargnant la chapelle34. Louise de Bourbon mourut en 1575, après avoir été abbesse pendant 41 ans. C’est Éléonore de Bourbon qui lui succède, poursuivant lui aussi le travail. Elle finit le dortoir et décida de reconstruire l’infirmerie de Saint-Benoît, dévastée par les inondations de 1558: l’ouvrage, considérable, coûta 37 410 livres.

Louise de Bourbon de Lavedan devint abbesse en 1611. Elle créa en 1618 un séminaire pour les moines de Saint-Jean de l’Habit à La Flèche et acquit en 1632 les fonds du sénéchal de Saumur pour constituer une bibliothèque dans le monastère. De même, elle a creusé des fossés et érigé un mur autour de Saint-Jean de l’Habit afin que les religieux puissent vivre dans une enceinte stricte, minimisant le contact avec le monde extérieur. Cependant, même avant la mort de Louise en 1637, le conflit entre l’abbesse et le religieux refait surface: tout comme la fondation de l’ordre, les religieux n’acceptent qu’avec peine qu’une femme ait autorité sur eux. Les désertions se multiplient, les religieux de Saint Jean de l’Habit quittent le monastère pour rejoindre d’autres ordres. Les bulles papales tentent d’endiguer le mouvement, mais il faut attendre 1641 pour y mettre un terme:
l’abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon obtint du Conseil d’État un jugement qui confirme l’importance et le rôle de l’abbesse dans l’ordre. Les moines rebelles se soumettent. En 1642, la règle de l’ordre de Fontevraud est imprimée.

En 1670, l’abbaye compte 230 religieuses, 60 religieux ainsi que de nombreux laïcs en charge de l’administration et 47 domestiques. La mort de Jeanne-Baptiste marquera profondément le sort de l’abbaye: l’ancienne abbesse N’ayant pas choisi de coadjutrice comme c’était la coutume, la nouvelle abbesse est alors nommée par le roi lui-même.

Le 16 août 1670, Louis XIV nomma à la tête de l’abbaye et de l’ordre Marie-Madeleine Gabrielle Rochechouart, soeur de Madame de Montespan – qui créa en 1693 l’Hospice de la Sainte Famille, destinée à recevoir une centaine de pauvres, 14/11/1703 à Oiron (79) domaine acquis en mars 1700 pour son fils, futur duc d’Antin – qui connut la vie à la cour du roi. En tête de l’ordre, Gabrielle de Rochechouart tente de réprimer les abus et les dérogations à la règle qu’elle enjoint de suivre à la lettre. Il a également achevé la construction du noviciat, aménagé des jardins paysagers, construit une galerie reliant l’abbaye au parc Bourbon et poursuit la construction du palais de l’abbaye. Plus intellectuelle qu’un théologien, la nouvelle abbesse met en place une certaine vie mondaine en recevant sa famille ou en faisant déroger à la règle de l’ordre la pièce d’Esther, la pièce de Jean Racine. Madame de Montespan elle-même resta une année à l’abbaye en 1689, attirant une partie de sa cour.

Louise-Françoise de Rochechouart prit la tête de l’abbaye à la mort de Gabrielle en 1704. En juin 1738, les quatre jeunes filles de Louis XV arrivent à Fontevraud où le roi les confie à l’éducation des religieuses. Une maison neuve est construite à l’ouest, la maison Bourbon, achevée en 1741, agrandit de nouvelles installations en 1747. Les filles de Louis XV y resteront jusqu’en 1750. Les dernières abbesses, Marie-Louise Timbrone et Julie-Gillette de Pardaillan prolongent le abbey palace, construis les bâtiments de la Fannerie et des écuries, et érige la porte d’entrée actuelle, à la veille de la Révolution.

Révolution et suppression de l’Ordre
La Révolution française portera le coup fatal à l’abbaye et à l’ordre de Fontevraud. Suite aux événements révolutionnaires, la situation financière de l’abbaye s’aggrave rapidement: la dîme, qui lui rapporte 600 livres par an, n’est plus perçue. Dans la nuit du 3 au 4 août, l’Assemblée nationale décrète la fin des privilèges et déclare l’imposition des privilégiés pour les six derniers mois de l’année 1789.

Le coup de grâce arrive le 2 novembre 1789: les biens du clergé sont déclarés propriété nationale. L’abbaye compte encore 70 religieuses, 40 converses et une vingtaine de religieux et l’ordre de Fontevraud dirige 52 autres prieurés. Mais l’abbesse refuse d’évacuer l’endroit. L’unité de la communauté de Fontevraud est maintenue pendant plusieurs mois.

Le 30 avril 1790, le maire de Fontevraud, Alexandre Guerrier, ancien moine de Saint-Jean de l’Habit, arrive à la porte de son ancien couvent avec la municipalité. Le couvent n’a que 21 religieux et 18 frères convers. Un inventaire du bien est dressé et un certain nombre de religieux en profitent pour quitter l’ordre et recevoir en retour une pension de l’Etat. Le 19 juillet, l’administration du district de Saumur procède à l’inventaire du reste des meubles de l’abbaye: il faut huit jours et se termine le 26. À l’exception d’une sœur converse, les religieuses déclarent toutes leur intention de rester en place. Le 5 août, l’administration engage les derniers frères de Saint-Jean de l’Habit à quitter l’abbaye et leur verse une caution sur leur pension. Le 2 juin 1791, le couvent est complètement vide et le 16 août, les meubles restants sont vendus, signant la fin de Saint Jean de l’Habit.

Le 17 août 1792, la Convention décrète que les bâtiments encore occupés par des religieux doivent être évacués avant le mois d’octobre. Les religieuses quittent l’abbaye peu à peu pendant l’automne. Julie-Gillette de Pardaillan d’Antin, la dernière abbesse, a quitté l’abbaye le 25 septembre 1792. Le domaine est ensuite divisé en lots, et le mobilier est difficile à vendre le 15 octobre. Le 30 janvier 1793, une troupe entre dans l’abbaye malgré l’intervention du gardien, et commence à piller et à saccager les bâtiments. Les sarcophages et les cercueils de la voûte des abbesses sont brisés et les os abandonnés ou jetés. Pour éviter d’autres pillages, la municipalité se dépêche de vendre les biens restants. Les 106 anciens religieux encore vivants à Fontevraud témoignent de la dispersion ultime du mobilier et du martelage des armoiries et des signes de l’Ancien Régime. En pleine Terreur, l’atmosphère est lourde et les anciens occupants de l’abbaye se méfient aux yeux de l’administration.

En l’an III, la municipalité prend des mesures pour prévenir les dommages quotidiens et le vandalisme des bâtiments. L’église de Saint Jean de l’Habit menace la ruine, mais la municipalité n’a pas les moyens financiers pour procéder aux réparations. La location des terres de l’abbaye, qui encourage le pillage quotidien, est terminée.

La prison
Le 18 octobre 1804, Napoléon Ier signe un décret qui transforme l’abbaye en centre de détention, ainsi que ceux de Clairvaux et du Mont Saint-Michel. Les travaux de reconversion, confiés à l’ingénieur Alfred Normand Roads and Bridges, ont eu lieu de 1806 à 1814. Des réorganisations successives ont eu lieu jusqu’à la fermeture de la prison le 1er juillet 1963, sans toucher à l’essentiel. structures. Construit sur la vieille clôture, Normand construit une véritable promenade autour du Grand Mouûtier. De nouveaux bâtiments sont construits près de l’abbaye et dans les cours. La nef de l’abbaye est séparée par deux niveaux d’étages pour abriter les détenus, le choeur sert de chapelle. Si certains bâtiments sont détruits ou gravement endommagés, le travail et la transformation en prison ont néanmoins sauvé la carcasse de la ruine. Les premiers prisonniers sont arrivés en 1812. La prison a été officiellement ouverte le 3 août 1814, employant une vingtaine de personnes. En 1817, Fontevraud devient une maison de force et de correction pour dix-neuf départements. De nouveaux développements sont nécessaires. En 1821, l’architecte Durand a été nommé à l’ancienne abbaye. Afin de gagner un maximum d’espace, il supprime un grand nombre de cloisons et cherche à multiplier les planchers, notamment dans la nef de l’abbaye. Les coupoles de celui-ci sont ensuite rasées pour développer le grenier en 1825. L’aile nord du cloître est ajoutée d’un étage supplémentaire et le réfectoire est ajouté d’un étage.

Des ateliers et des usines sont mis en place en utilisant le travail des prisonniers, les populations locales trouvant ainsi un substitut à la communauté religieuse qui leur avait donné jusqu’alors une certaine aisance économique. Ils fabriquaient des boutons de nacre, des gants, des filets, des couvertures pour l’armée et transformaient aussi le chanvre et le lin. Les plus obéissants sont les corvées dans les champs. Les femmes détenues quittent Fontevraud en 1850, lorsqu’elles sont transférées à Rennes.

Connue sous le nom de «prison à mille et une fenêtres» en raison de son architecture pénitentiaire insuffisante (trop de fenêtres et de portes pour les évasions), les conditions de détention devenaient plus difficiles et Fontevraud était considéré comme le centre pénitentiaire le plus important. dure en France, avec celle de Clairvaux. La prison a donc connu une petite évasion en 150 ans d’existence. La plus frappante fut une triple évasion le 15 juin 1955, le suivi des détenus pendant neuf jours semant la psychose et la confusion dans les trois départements voisins et se terminant par une fusillade à 50 km du pénitencier, à Sainte-Maure-de-Touraine.

Conçue pour accueillir 1 000 détenus, la prison accueille jusqu’à 2 000 prisonniers dans les années 1830 et emploie souvent 150 surveillants et leurs familles, ce qui fait vivre le village avec pas moins de trois boulangeries, une boucherie, une épicerie fine et cinq épiceries. La plupart des 600 prisonniers sont évacués à la fermeture de la prison, sauf une quarantaine, employés à l’entretien des espaces verts et à la démolition des établissements pénitentiaires. Ils quittent définitivement la prison résiduelle, le quartier de La Madeleine, en 1985, date à laquelle les lieux sont rendus à la « vie civile ».

Population recensée séparément lors des recensements de la ville de Fontevraud-L’Abbaye. Ces chiffres incluent tous les détenus, mais aussi les militaires et les internés dans toute la municipalité (environ 1/20 du chiffre total).

Restauration et ouverture au public
Dès 1840, grâce à l’action de Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, l’ancienne abbaye de Fontevraud figure sur la première liste nationale de classement des monuments historiques.

Petit à petit, plusieurs bâtiments sont libérés de leur mission: le cloître en 1860, le réfectoire en 1882, la tour d’Évrau et l’église abbatiale, longue de 90 mètres, au début du XXe siècle et progressivement restaurés. De la fermeture de 1963 à la fin du XXe siècle, des projets de restauration quasi ininterrompus lui donnent l’apparence que le visiteur découvre désormais.

En 1963, le photographe Pierre Jahan prend une photo de la coupole polygonale de l’ancienne cuisine, qu’il publie dans Objective

Le centre culturel occidental
Aucune communauté religieuse ne pouvant relancer l’abbaye, le Centre culturel du Ouest a été fondé en 1975 par Olivier Guichard, président du Conseil régional des Pays de la Loire. Henri Beaugé-Bérubé y a été nommé en 1976. Le but de cette association reconnue d’utilité publique est «la défense, le développement, l’animation et la promotion de l’abbaye de Fontevraud».

Cette association organise d’abord des cours de patrimoine, des manifestations artistiques, des cours d’initiation à l’artisanat, du chant grégorien et des conférences d’accueil, principalement axées sur l’Angleterre, l’architecture et le chant choral.

A partir de 1990, René Martin organise des concerts de musique sacrée.

Le projet « Villa Médicis du Numérique » initié sous la direction de Chantal Colleu-Dumont en 2001 s’étend au concept de « Ville idéale » mis en œuvre par Xavier Kawa-Topor, directeur de l’abbaye à partir de 2005. le site devient un lieu permanent de débats, d’expositions, de spectacles, de résidences d’artistes notamment dans le domaine du cinéma d’animation.

L’Abbaye Royale de Fontevraud, Centre Culturel Ouest, est membre du Réseau Européen des Centres de Rencontre Culturelle (une quarantaine de membres au début du XXIème siècle en Europe).

Architecture
Le Grand Moûtier
L’église abbatiale
La construction de l’église commence peu après la fondation de l’ordre en 1101. Une première église est esquissée et la construction de l’abside commence. Mais le projet avorte rapidement: sous l’affluence des fidèles, on transforme les plans et on commence la construction de l’église actuelle. Les parties inférieures du choeur et du transept sont déjà fortement avancées vers 1115 et consacrées le 31 août 1119 par le pape Calixte II. Les parties hautes suivent rapidement. Il était à l’origine destiné à couvrir la nef d’une menuiserie, mais après 1119, l’idée est abandonnée au profit d’une voûte en dôme.

L’église abbatiale de Fontevraud, sous le nom de Notre-Dame, est située au nord du monastère du Grand-Moûtier. Il se compose d’une nef couverte de quatre coupoles, d’un transept saillant avec deux chapelles orientées et d’un chœur avec déambulatoire et de trois absidioles. Le bâtiment a une longueur totale de 90 mètres. Il est construit en tuffeau, un calcaire tendre, très présent dans les Saumurois, qui permettait l’extraction près de l’abbaye, dans des carrières souterraines.

L’abside du chœur avec déambulation de l’église contraste avec le reste du bâtiment par son biais architectural: elle s’élève en hauteur grâce à une douzaine de colonnes surmontées d’arcades légèrement brisées. Suit une frise d’arcs aveugles, puis de hautes fenêtres alternativement ajourées et aveugles. L’abside se termine en hauteur avec un plancher de fenêtres supérieures. Le déambulatoire, délimité autour du choeur par les colonnes, s’ouvre sur trois chapelles, deux radieuses et une axiale. Chacune des chapelles a une baie, complétant l’abondante luminosité de cette partie du bâtiment.

Le transept de l’abbaye, recouvert d’une voûte en berceau brisée, est très saillant. La traversée du transept est surmontée d’un dôme, beaucoup moins impressionnant que celui de la nef, dont les pendants tombent sur des colonnes engagées. La hauteur sous la croix atteint 23 mètres. Les deux bras du transept s’ouvrent chacun sur une chapelle orientée. Il y a jusqu’à huit ouvertures sur le bras nord, tandis que les derniers développements du Grand Moûtier ont obstrué les ouvertures du bras sud.

La nef se compose de quatre coupoles d’un diamètre de 10 mètres chacune, délimitant les quatre travées de la nef. C’est un prêt architectural à l’Aquitaine, que l’on trouve par exemple dans la cathédrale de Périgueux.
Il fut décoré par le sculpteur Gervais I Delabarre qui y fit la tombe de Robert d’Arbrissel en 1655, puis le sculpteur Pierre Biardeau (1608-1671) lui succéda dans cette entreprise.

Le cloître
Le cloître forme le centre du monastère du Grand-Moûtier. Long de 59 mètres, il sert tous les centres nerveux de la vie monastique: l’abbaye, la salle capitulaire, le réfectoire, les cuisines et les dortoirs.

Le premier cloître a été construit au début du 12ème siècle. Il est reconstruit au XVIème siècle, d’abord par la galerie sud en 1519 qui est couverte d’une voûte d’ogives, de faible hauteur. Les veines des voûtes reposent toutes sur des culs-de-lampe historiés. L’extérieur de la galerie sud montre une évolution de style: entre les contreforts épais, les arcs géminés ouverts semi-circulaires, séparés des pilastres et ornés d’un décor plus classique. Les autres galeries ont été reconstruites en 1548. Elles sont également voûtées en côtes, dont les côtes tombent sur des colonnes semi-engagées ou des culs-de-lampe de style classique. Ces trois galeries sont composées d’ouvertures cintrées semi-circulaires dont les piliers sont ornés de pilastres classiques. Entre deux arcades, vers l’intérieur de la cour, étaient érigées des colonnes jumelles d’ordre ionique surmontées d’un entablement supportant soit un toit en ardoise, soit les étages supérieurs. Le mur séparant le cloître de l’abbaye est orné d’une série d’arcs à caissons non décorés.

La salle du chapitre
La Salle du Chapitre, ou Salle du Chapitre, est la pièce où la communauté religieuse se réunit quotidiennement. Dans la matinée, il discute des nouvelles de l’abbaye: admission au noviciat, élection, réception de personnalité, lecture des annonces ou proclamations de l’évêque ou du pape. Le soir, nous lisons un chapitre de la règle et des textes édifiants. C’est l’endroit le plus important concernant l’organisation de la vie monastique.

La chapelle actuelle de Fontevraud a été érigée sous l’abbaye de Louise de Bourbon, entre 1534 et 1575 à partir de 1541. Elle se compose d’une voûte d’ogives à six baies tombant sur des bases et sur deux colonnes, courtes et fines. Il s’ouvre sur un portail richement décoré et deux baies géminées de part et d’autre.

Les peintures de la salle ont été réalisées par Thomas Pot vers 1565. Elles représentent la Passion du Christ jusqu’à l’Assomption de la Vierge. À l’origine, Thomas Pot représente Renée (à gauche de Jésus) et Louise de Bourbon (à droite de Jésus-Christ) au milieu des scènes de la crucifixion du Nouveau Testament. Par la suite, d’autres abbesses de Fontevraud sont ajoutées aux différentes scènes. Les peintures sont fortement dégradées ou partiellement détruites lors de la transformation de la pièce en un magasin d’alimentation au XIXe siècle. Le développement d’une cuisine dans la salle communautaire contribue à l’émergence de conditions d’humidité préjudiciables. Une première campagne de restauration de la peinture a débuté en 1952 à l’initiative de l’Inspecteur des Monuments Historiques, Pierre-Marie Auzas. En octobre 1952, le restaurateur Gaston Chauffrey qualifia les tableaux de «très malades», mais leur donna, selon lui, un «aspect satisfaisant» et une lisibilité à la fin de son travail en juin 1953. En 1969, Pierre-Marie Auzas devint alarmé Encore une fois les dommages causés par la fuite d’un réservoir, notant que par endroits, « la pierre est pulvérisée et la peinture s’écaille ». Plusieurs bilans de santé et examens sont mis en place pour étudier les dégradations et proposer les mesures de restauration appropriées. Les premiers travaux de restauration ont débuté en juin 1978 avec la scène de la Crucifixion et se sont terminés en 1984. Mais en 1986, il y avait des détachements dus au mauvais vieillissement du vernis protecteur. Une nouvelle campagne de restauration a été lancée en 1990. Les peintures sont maintenant mieux documentées. Les restaurateurs peuvent s’appuyer sur des reproductions de portraits des abbesses réalisées à l’initiative de François Roger de Gaignières au XVIIe siècle. Les restaurations ont été achevées en 1991.

La cuisine
Le bâtiment a été construit entre 1160 et 1170, à l’angle sud-ouest du cloître, dans le prolongement du réfectoire.

La cuisine contient huit absidioles, dont cinq sont encore conservées. Il est basé sur un carré qui s’élève de chaque côté dans un arc légèrement brisé, complété par un octogone dont chaque angle est constitué d’une colonne engagée. Chaque côté de l’octogone abrite une abside, chacune ouvrant trois petites baies et hébergeant une hotte. Grâce à un système de cornes, le carré d’arc brisé soutient la cheminée centrale.

La destination exacte de la cuisine est en discussion. Eugène Viollet-le-Duc propose, dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française, une théorie sur l’évacuation de la fumée par les différentes cheminées, partant du principe que chaque absidiole était utilisée comme habitation. L’historien de l’art Michel Melot propose comme hypothèse l’utilisation du bâtiment comme fumoir.

Saint Benoît
La chapelle
La chapelle Saint-Benoît date du XIIème siècle et sert ensuite de chapelle à l’infirmerie. C’est de style roman. Le chœur est ensuite étendu dans un style gothique. Sous l’abbaye de Louise de Bourbon, la nef est séparée dans sa partie supérieure pour aménager l’appartement de la haute prieure. Sous l’administration pénitentiaire, le bâtiment est transformé en une brasserie.

Prieuré Saint-Lazare
Près du Grand Moûtier, le prieuré Saint-Lazare abrite une communauté de religieuses responsable de la surveillance des lépreux. Il ne reste rien de ces premiers bâtiments et son organisation reste inconnue. Le prieuré est reconstruit grâce aux dons de Henri II Plantagenet, et le début des travaux date de l’abbaye de Mathilde d’Anjou (1149-1155), tante du roi. L’église du prieuré est un exemple architectural du début du gothique angevin.

Sous l’abbaye de Louise de Boubon (1534-1575), diverses interventions sont entreprises. Le XVIIIe siècle lui donne son aspect actuel. A la fin de l’Ancien Régime, le prieuré ne sert qu’aux sœurs malades ou convalescentes. Cette petite communauté jouit d’une certaine indépendance: « Une religieuse présidait l’administration, ayant sous ses ordres quelques-uns de ses compagnons, ses convers, ses domestiques, sa cuisine, sa table, en un mot, une maison de retraite », comme le démontre François-Yves Bernard , un contemporain. Le prieuré est transformé en infirmerie lors de la transformation de l’abbaye en centre de détention. Le prieuré est aujourd’hui un hôtel-restaurant.

Le couvent de Saint-Jean-de-l’Habit
Les bâtiments du couvent Saint-Jean-de-l’Habit ont disparu aujourd’hui. Après la Révolution et l’expulsion des derniers religieux, le couvent est totalement abandonné et devient une carrière de pierre. Les ruines de l’église sont encore visibles au milieu du XIXe siècle, avant d’être définitivement démantelées.