Manifeste surréaliste

Trois Manifestes surréalistes ont été publiés au cours du mouvement surréaliste, en 1924 et 1929. Deux ont été écrits par André Breton, qui a également rédigé un troisième manifeste surréaliste qui n’a jamais été publié. L’un a été écrit par Yvan Goll (1924).

Contexte
Basé sur le mouvement dadaïste à Paris, le surréalisme était un mouvement révolutionnaire qui s’opposait aux valeurs incroyables de la bourgeoisie. Contrairement au dadaïsme satirique, le surréalisme a propagé une vision inédite des choses influencées par le symbolisme, l’expressionnisme, le futurisme, les écrits de Lautréamont, Arthur Rimbaud, Alfred Jarrys et les théories de Sigmund Freud.

André Breton était étroitement associé à l’émergence du mouvement surréaliste en France. Aux idées fondamentales de Breton, partagées par ses disciples, il y avait l’idée qu’il n’y a pas de réalité externe objective. Breton a publié son premier manifeste du Surréalisme à Paris en 1924 et a ensuite dominé le mouvement. Pour la durée du mouvement, le manifeste a prévalu, dans le soi-disant « Deuxième Manifeste Surréaliste » de 1930, seuls des changements mineurs ont été faits.

Premiers manifestes
Jusqu’en 1924, deux groupes surréalistes rivaux s’étaient formés. Chaque groupe prétendait être les successeurs d’une révolution lancée par Guillaume Apollinaire. Un groupe, dirigé par Yvan Goll, était composé de Pierre Albert-Birot, de Paul Dermée, de Céline Arnauld, de Francis Picabia, de Tristan Tzara, de Giuseppe Ungaretti, de Pierre Reverdy, de Marcel Arland, de Joseph Delteil, de Jean Painlevé et de Robert Delaunay.

L’autre groupe, dirigé par Breton, comprenait notamment Louis Aragon, Robert Desnos, Paul Éluard, Jacques Baron, Jacques-André Boiffard, Jean Carrive, René Crevel et Georges Malkine.

Yvan Goll publie le Manifeste du surréalisme, le 1er octobre 1924, dans son premier et unique numéro de Surréalisme, deux semaines avant la publication du Manifeste du surréalisme de Breton, paru aux Éditions du Sagittaire, le 15 octobre 1924.

Goll et Breton s’affrontèrent ouvertement, se disputant littéralement, à la Comédie des Champs-Élysées, sur les droits au terme surréalisme. En fin de compte, Breton a remporté la bataille grâce à la supériorité tactique et numérique. Bien que la querelle sur l’antériorité du surréalisme se soit conclue par la victoire de Breton, l’histoire du surréalisme resterait marquée par des fractures, des démissions et des excommunications retentissantes, chaque surréaliste ayant sa propre vision de la question et des objectifs, acceptant plus ou moins les définitions établies par André Breton.

Manifeste surréaliste (1924)
Ce texte a été conçu à l’origine comme une préface à Soluble Fish qui sera publiée la même année.

Texte hétérogène, le texte rassemble différentes idées et principes d’écriture, qu’Élisabeth Kennel-Renaud réunit autour de huit éléments:

Hommage à l’imagination
Appel à merveille
La foi dans la résolution du conflit entre le rêve et la réalité
Principe de l’écriture automatique
Définition du surréalisme
Images surréalistes
Collages de fragments de phrases
Attitude non-conformiste
Breton définit le surréalisme comme: «L’automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, verbalement ou par écrit, ou de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée, la dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison. de toute préoccupation esthétique ou morale « .

Suite à la liquidation de la collection Aristophil en mars 2015, le manuscrit du Manifeste du surréalisme est annoncé lors d’une vente aux enchères à Drouot. 4 Après une intervention gouvernementale, le texte est classé parmi les trésors nationaux et il est retiré de la vente.

Citations
« L’attitude réaliste est le fruit de la médiocrité, de la haine et de la vanité rampante: c’est d’elle que naissent les livres qui insultent l’intelligence ».

« La manie incurable de réduire l’inconnu au connu, au classifiable, ne sert qu’à engourdir les cerveaux. »

« De nos jours, les méthodes de logique ne servent qu’à résoudre des problèmes secondaires. »

«L’extrême différence d’importance qui, aux yeux de l’observateur ordinaire, a les événements du réveil et ceux du sommeil m’a toujours étonné … Peut-être mon rêve de la nuit dernière s’est-il passé la veille et continue avec rigueur méritoire la nuit prochaine.  »

« Disons-le une fois pour toutes: l’émerveillement est toujours beau, toute sorte de merveilleux est belle, seule la beauté est belle … Dès le plus jeune âge, les enfants sont séparés du merveilleux, de sorte que quand ils grandissent, ils ne plus avoir une virginité d’esprit qui leur permet de jouir d’un plaisir extrême en lisant l’histoire d’un enfant.  »

« Que le jour vienne où la poésie décrète la fin de l’argent et brise seul le pain du ciel sur la terre. »

« En l’honneur de Guillaume Apollinaire, Soulpault et moi avons donné le nom de » surréalisme « au nouveau mode d’expression que nous avions à notre disposition et que nous tenions à mettre à la portée de nos amis »

« Le surréalisme ne permet pas à ceux qui le consacrent de l’abandonner quand ils ont envie de le faire, il agit sur l’esprit comme les narcotiques et bien d’autres d’époques connexes.

« L’esprit qui plonge dans le surréalisme ravive, avec exaltation, la meilleure partie de son enfance. »

« Imagination chérie, ce que j’aime particulièrement chez toi, c’est de ne pas pardonner. »

« Seul ce qui m’exalte est encore le seul mot: la liberté, je considère approprié de maintenir, indéfiniment, le vieux fanatisme humain. »

Breton
Un manifeste surréaliste a été écrit par Breton et publié en 1924 sous la forme d’une brochure (Editions du Sagittaire). Le document définit le surréalisme comme:

L’automatisme psychique dans son état pur, par lequel on se propose d’exprimer – verbalement, au moyen de l’écrit, ou de toute autre manière – le fonctionnement effectif de la pensée. Dictée par la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, exempte de toute préoccupation esthétique ou morale.

Le texte inclut de nombreux exemples des applications du surréalisme à la poésie et à la littérature, mais il montre clairement que ses principes de base peuvent être appliqués à n’importe quelle circonstance de la vie; pas seulement limité au domaine artistique. L’importance du rêve comme réservoir d’inspiration surréaliste est également soulignée.

Breton discute aussi de sa rencontre initiale avec le surréaliste dans une description célèbre d’un état hypnagogique qu’il a expérimenté dans lequel une phrase étrange est inexplicablement apparue dans son esprit: « Il y a un homme coupé en deux par la fenêtre ». Cette phrase fait écho à l’appréhension bretonne du surréalisme comme juxtaposition de «deux réalités lointaines» réunies pour en créer une nouvelle.

Le manifeste fait également référence aux nombreux précurseurs du surréalisme qui incarnaient l’esprit surréaliste, notamment le marquis de Sade, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, le comte de Lautréamont, Raymond Roussel et Dante. Les œuvres de plusieurs de ses contemporains dans le développement du style surréaliste en poésie sont également citées, parmi lesquelles Philippe Soupault, Paul Éluard, Robert Desnos et Louis Aragon.

Le manifeste a été écrit avec beaucoup d’humour absurde, démontrant l’influence du mouvement Dada qui l’a précédé.

Le texte conclut en affirmant que l’activité surréaliste ne suit aucun plan défini ou schéma conventionnel, et que les surréalistes sont finalement non-conformistes.

Le manifeste mentionnait entre autres, comme participants au mouvement surréaliste: Louis Aragon, André Breton, Robert Desnos, Paul Éluard, Jacques Baron, Jacques-André Boiffard, Jean Carrive, René Crevel et Georges Malkine.

Réédition de 1929
Réimprimé inchangé en 1929, le Manifeste fut cependant augmenté d’une préface 6 et de la « Lettre aux aveugles » en 1925.

Deuxième Manifeste Surréaliste (1930)
Dans son étude, Élisabeth Kennel-Renaud distingue huit thèmes principaux:

Faux caractère des vieux antinomies
Le surréalisme ne revendique aucune moralité
Critique de certains surréalistes
Rappel des fondations
Appel à la participation sociale
Avertissement contre l’endoctrinement politique
Attraction pour l’ésotérisme
Refus du succès mercantile
Ce deuxième Manifeste a reçu une réponse cinglante à Robert Desnos.

Par la suite, André Breton tentera de mettre dans leurs contextes respectifs les conflits qu’il peut avoir avec certains artistes et il écrira en 1946 un avertissement pour la réédition du deuxième manifeste. Cependant, il garde ses positions.

Prolégomènes à un troisième manifeste surréaliste ou non (1942)
C’est un court texte, d’une dizaine de pages et entrecoupé d ‘«interludes», que Breton écrit alors que la Seconde Guerre mondiale se poursuit sans dépression.

Troisième manifeste
En 1929, Breton demande aux surréalistes d’évaluer leur «degré de compétence morale» et, avec d’autres raffinements théoriques, publie le Second manifeste du surréalisme. Le manifeste excommunia les surréalistes réticents à s’engager dans une action collective: Baron, Desnos, Boiffard, Michel Leiris, Raymond Queneau, Jacques Prévert et André Masson. Une prière d’insertion publiée avec la libération du Manifeste a été signée par les surréalistes restés fidèles à Breton et qui ont décidé de participer à une nouvelle publication intitulée Le surréalisme au service de la révolution. Les participants, et donc les surréalistes fidèles, comprenaient Maxime Alexander, Louis Aragon, Luis Búnuel, Luis Buñuel, René Charvel, Salvador Dalí, Paul Eluard, Max Ernst, Marcel Fourrier, Camille Goémans, Paul Nougé, Benjamin Péret, Francis Ponge, Marco Ristitch, Georges Sadoul, Yves Tanguy, André Thirion, Tristan Tzara et Albert Valentin.

Desnos et d’autres jetés par Breton se sont déplacés à la revue Documents, éditée par Georges Bataille, dont le matérialisme anti-idéaliste a produit un surréalisme hybride exposant les instincts de base des humains.

Citations
Et comme le vol d’esprit sûr dépend du degré de résistance opposé à cette idée, il n’est pas difficile de comprendre que le surréalisme n’a pas hésité à adopter la révolte absolue, l’insubordination totale, le sabotage selon les règles de l’attente autre que la violence.  »

«Quiconque prétendait adopter cette croyance, sans vraiment s’engager dans ce désespoir, serait bientôt considéré comme un ennemi aux yeux de ceux qui savent.

« Si par le surréalisme nous rejetons l’idée que seules les choses qui » existent « sont possibles, si nous déclarons par un chemin qui » existe « , nous arrivons à ce qui n’existait pas, si nous n’avons pas peur de l’insurrection contre la logique. ne jurez pas qu’un acte accompli dans un rêve est moins important que celui accompli dans un état d’éveil, si nous ne sommes pas sûrs qu’un jour il n’y aura plus de «temps» (…): comment voulez-vous que nous nous manifestions? toute forme d’attention ou de tolérance envers tout appareil de conservation sociale, quel qu’il soit?  »

« Nous nous battons dans tous les sens, l’indifférence poétique, la distraction artistique, la recherche savante, la pure spéculation, et nous ne voulons rien avoir en commun avec les esprits-épargnants. »

« Même s’il n’y avait aucun de ceux qui mesuraient leurs possibilités de sens et leur soif de vérité, le surréalisme vivrait … Je m’étais promis d’abandonner à leur triste sort, un certain nombre d’individus. »

« Je devais défendre le surréalisme de l’accusation d’être un mouvement politique anticommuniste et contre-révolutionnaire »

« Le surréalisme est considéré indissolublement lié à la marche de la pensée marxiste. »

Thèmes:
Les thèmes sont: les visions oniriques, la récupération de l’imagination féconde de l’enfance, la maladie mentale comme révélation de la vérité, l’abolition de la logique en faveur de l’automatisme (concept d’inspiration freudienne). La figure de Sigmund Freud a une influence énorme sur Breton qui adopte des analyses psychanalytiques sur le rêve («La psychologie est un sujet sur lequel je ne veux pas plaisanter» déclare-t-il). Freud sera le prophète inconscient du surréalisme. Le sommeil est un état de conscience élevé par le Breton au statut de réalité légitime, comme le réveil. Ce dernier est plutôt vu comme un phénomène d’interférence, hypothèse validée par la présence de lapsus et de malentendus de chaque espèce, c’est-à-dire la part de la conscience la plus sincère et la plus incontrôlée du Surmoi. Selon Breton, la combinaison de ces deux états génère une Réalité Absolue appelée Surréalité.

L’automatisme, qui explique le sens même du surréalisme dans la définition de l’ouverture, est aussi d’inspiration freudienne: c’est laisser couler des mots ou des images sans passer par le filtre de l’organisation rationnelle du sens. Le résultat peut montrer des images inquiétantes parce qu’elles révèlent des désirs cachés non découverts, ou des craintes. Un exemple en est les images hypnagogiques ou les hallucinations auditives du demi-sommeil, auxquelles de nombreuses représentations surréalistes ressemblent. Breton laisse un exemple personnel: il y a un homme coupé en deux par la fenêtre. Entre le rêve et le réveil, il avait entendu une voix qui accompagnait la perception de l’image décrite. Cette pensée parlée aurait révélé dans ce cas sa peur de la castration.

La dernière partie donne des conseils de différentes sortes à la lumière de la poésie de groupe, par exemple comment ne pas s’ennuyer, comment parler, écrire de faux romans, des opinions sur la mort et des exemples de phrases surréalistes.

Le manuscrit original a été mis aux enchères chez Sotheby’s à Paris en mai 2008, d’une valeur d’environ 500 000 euros.

Artistes adhérents
Ils souscrivent au manifeste (ou, comme le dit Breton, «ils ont fait un acte de surréalisme absolu»):
Louis Aragon, Jacques Baron, Jacques André Breton, Jean Carrive, René Crevel, Joseph Delteil, Robert Desnos, Paul Eluard, Georges Gérard, Georges Malbour, Georges Malbour, Max Morise, Pierre Naville, Marcel Noll, Benjamin Péret, Gaëtan Picon, Philippe Soupault, Roger Vitrac, Joan Miró.